LE PORTE-LUMIÈRE
SUNBEARER TRIALS I
Aiden Thomas
« Oui, un simple choix pourrait détruire le monde, approuva Opción. Et une seule personne parmi vous devra faire ce choix. Qu’est-ce que ça dit sur le reste de votre pouvoir ? » Elle sourit. « Mais je suppose que c’est la raison pour laquelle vous êtes tous ici, n’est-ce pas ? »
Publication jeunesse loi n°49-956 du 16 juillet 1949
Fantasy mythique Fantasy contemporaine
Adolescent Tout public
Bienvenue aux épreuves du Porte-Lumière, où dix demi-dieux encore adolescents s’affrontent pour le plus auguste des enjeux : restaurer le pouvoir du soleil et sauver Reino del Sol des forces du chaos. Le vainqueur apporte lumière et vie à tous les temples de Reino del Sol en honorant le perdant : glorieusement sacrifié pour que son corps soit consumé par les Pierres de Soleil et leur apporte la puissance nécessaire à la protection des humains.
Mais pour une fois, tous les participants aux épreuves ne sont pas des Dorés, les demi-dieux les plus puissants. L’un est le fils du dieu de la malchance et l’autre est… Teo, un garçon transgenre de dix-sept ans, fils de la déesse Jade, Quetzal. Niya, sa meilleure amie, ainsi que leurs concurrents surentraînés, lutteront pour la victoire… alors que les deux garçons lutteront pour leur survie ! Teo devra choisir. Sauver ses amis, ou tout faire pour gagner, quitte à s’allier à celui qui lui a déjà brisé le cœur ?
Que le plus brave l’emporte.
Critique par Élisabeth L.
Mon amour pour la mythologie s’étend également à la fantasy mythique. J’avais ainsi dévoré les Percy Jackson et leurs suites, alors quand une connaissance également fan de ces romans m’a recommandé celui-ci, je n’ai pas hésité une seule seconde et n’ai pas même attendu la sortie française. Je l'ai donc lu en version originale que j'ai ensuite confrontée à la traduction française.
La narration, particulièrement joueuse, suit Teo avec sa même vivacité pour transporter le lectorat dans ses aventures et ses émotions. Cela permet ainsi d'avoir beaucoup d’empathie pour lui et les personnages. Le ton très léger du début – qui se permet même un élan humoristique avec une référence au dessin animé Mulan – évolue et s’assombrit au fur et à mesure que la fatigue et l’inquiétude viennent s’insinuer chez les personnages de manière de plus en plus poignante et contribue à l'évolution de l'ambiance. La dynamique du récit alterne avec régularité des phases actives et posées, si bien que l'on ne s'ennuie à aucun de moment ni n'a l’impression d'aller trop vite ou d'être dépassé par l'intrigue. De la même manière, les dialogues sont tout aussi vivants et les répliques s’enchaînent avec beaucoup de naturel, comme elles le feraient dans de véritables discussions entre des amis, expressions orales inclues. Ce réalisme prenant participe autant à rendre les personnages attachants qu'à leur donner corps. Mais il y a un point noir : la traduction française. La forme des dialogues demeure strictement proche de celle de la version anglaise, c’est-à-dire que les incises peuvent constituer une phrase entière en milieu des répliques (exemple : « Machin ! » Une personne se tenait à tel endroit. « Comment ça va ? ») ou alors si l’incise termine une réplique, la prose anglaise accepte parfaitement que le paragraphe continue après... mais la prose française, normalement, non. Il en est de même pour les introductions de dialogues qui, en français, passent parfois par une formule "verbe introducteur + deux points + retour à la ligne & dialogue", mais qui, là, transcrits directement de l’anglais, donnent "Telle personne fronça les sourcils. « Pour moi, c’est non. » ", et là où dans deux paragraphes différents, ça ne me dérangerait pas tant que ça, dans le même paragraphe, ça fonctionne mal. Et c'est sans compter quelques erreurs de placement des guillemets françaises par rapport aux incises. Mais s’il n’y avait que ça, à la rigueur. À la rigueur… Je grincerais fort des dents avec un gros « meh » au bord des lèvres, mais bon. En revanche, qu’un roman de Fantasy définit queer ne soit qu’à moitié inclusif, je trouve ça plus dommageable. Pourtant, tout commençait plutôt bien avec le personnage de Sol genré au neutre avec l’emploi de "iel" puis arrive « so bien-aimé » en parlant de Sol toujours. On ne rencontre pas de terminaisons en -ae, mais des terminaisons en -x c'est OK ? On voit bien la difficulté à marquer le neutre en français pour traiter de la non-binarité, sans pour autant impacter la lecture de personnes qui auraient des troubles du langage écrit. De même plus loin, un autre personnage non-binaire est parfois genré avec des formes plus facilement masculines. C'est vrai, en comparaison avec l'anglais, les noms et adjectifs s'accordent en genre, aussi il aurait pu être intéressant de conserver certains termes mexicains d'origine, réfléchir à l'emploi de formes épicènes ou de s'assurer d'une meilleure répartition féminin/masculin. Enfin, Sol et Tierra ont créé les "Dorés", les "Jades" et les "Obsidiens" ? Sans être totalement bilingue en anglais, "Gold" et "Obsidian" n'étaient pas utilisé comme adjectif, alors pourquoi ne pas avoir garder les noms du métal et de la pierre, comme pour Jade ? Dommage de s'être diriger d'emblée sur des formes plus facilement masculines pour qualifier des groupes mixtes. Je pense malheureusement que ça donne la couleur : je n’ai aucune idée du travail éditorial qui a été fait derrière, et je suis vraiment désolée s’il y a eu une vraie recherche, des difficultés, des rushs, etc., mais avec en plus les détails de mise en page déjà évoqués, l’impression qui s’en dégage est celle d’un minimum acceptable et d’un survol du reste. De ce que j'ai comparé, la traduction me semble, en effet, juste un calque amoindri de l’anglais au niveau des passages dialoguées et de l’inclusivité, pourtant importante dans une fantasy revendiquée queer. Fermons là la parenthèse de traduction.
On découvre une société mythologique très concrète, fondée sur un système de trois castes - dont la bonne traduction aurait dû être les Ors, les Jades et les Obsidiennes -, basé sur les religions et traditions mexicaines. Dans ce roman, il ne s’agit pas de transposer les mythologies aztèque ou maya, mais de réinventer tout un systhème gràce à une combinaison originale de traditions et d’inspirations mexicaines, précolombiennes comme modernes. Ainsi, Diosa Quezal côtoie Dios Mariachi et Dios Mala Suerte. Il en va de même pour les plats, les confiseries, ou même toutes les realia qui conservent leur nom espagnol ou nahuatl, sans que cela ne gêne la compréhension. Et même si les tenues de cérémonie et les bâtiments ont aussi une esthétique en rapport avec l’ambiance mythologique, le monde est aussi moderne que le nôtre avec des mentions de "TicTac" et "Instagrafía", par exemple. À côté de ça, l’académie des héros et tout cet autre aspect, comme les costumes, peuvent grandement faire penser à My Hero Academia (ce qui n’était pas pour me déplaire). On retrouve même des cartes à collectionner des héros et héroïnes - mélange entre les jeux de gladiateurs et le foot -, qui ont une vraie importance dans le récit en permettant d'avoir quelques informations sur leurs capacités. De plus, chaque cité visitée a son ambiance, son caractère, ses coutumes, ses costumes, en lien avec sa divinité protectrice, et les incroyables descriptions de ce roman parviennent à leur donner une identité propre. On apprécie les moments passés dans Quetzlan, la cité de Quetzal, avec sa végétation et ses oiseaux, ainsi que ceux à Laberinto, la ville aux milles ruelles entrecroisées de Diosa Opción. De manière générale, les temples et tous les lieux présentés font rêver avec les descriptions de l’or, des pierres précieuses ou des roches volcaniques qui leur donnent mille couleurs. L’ambiance visuelle qui se dégage de tout ce roman est vraiment unique, colorée et enchanteresse. Et c’est dans ces décors incroyables que se déroulent les épreuves dont chaque étape confronte les personnages à cette réalité de plus en plus proche : l’un d'eux devra mourir, tué par un autre, et le futur du Reino tout entier en dépend. Cela permet plusieurs discussions à propos de ce dilemme et de ce sacrifice horrible, mais nécessaire. Mais le récit n'est pas pour autant focalisé uniquement sur cet aspect, aussi les épreuves s’enchaînent et, entre chaque, les différents protagonistes dînent, passent du temps ensemble et visitent la ville le lendemain. Cela permet d’alterner les moments de tension et ceux plus posés. Souvent, les personnages principaux peuvent laisser indifférents avec une tendance à préférer les personnages secondaires, moins lisses. Le trio de tête, à savoir Teo, Niya et Xio, est réellement attachant. Leurs interactions sont drôles, leur solidarité est touchante, mais en même temps, ils ont leurs défauts qui les rendent si proche de nous. L’amitié entre Niya et Teo est vraiment rayonnante avec ça, tandis que celle qui se noue entre Teo et Xio est particulièrement touchante, notamment grâce au lien qu’ils tissent à partir de leur vécu commun d’hommes trans. Mais il en est de même pour les autres personnages, comme Aurelio dont la vision première que l’on a de lui est conditionnée par celle de Teo et que l'on vient a aimer au fur et à mesur qu'il s’ouvre. Le roman est parsemé de scènes de vies, dont certaines très tendres et mémorables comme les vidéos de patisseries. Mais n'oublions pas Dezi et Marino, fils respectifs de Diosa Amor et de Diosa Agua, absolument adorables ; Atzi, même si l'une de ses actions contre Teo, lors de la première épreuve, n'a pas d'explication claire ; les divinités comme Quetzal, Opción, ou Mala Suerte, ou encore Huemac, et enfin Fantasma que j'espère personnellement voir davantage dans la suite. Absolument tous les personnages ont leur humanité, leur petit côté attachant – même Auristela et Ocelo, qui peuvent être de sacrées saletés la plupart du temps. Petit regret personnel toutefois : que l’on ne voit pas davantage Peri et Pico, le duo d’oiseaux qui fait les quatre cents coups avec Teo au début du roman et qui disparaissent mystérieusement des radars pour le reste du roman. Pour finir, les communautés queer, latines et noires bénéficient d’une bonne représentation et sont totalement intégrée dans le monde et le panthéon de divinités associé. De même, l’un des concurrents est sourd et Luna, qui chapeaute les épreuves, signe simultanément tout ce qu’elle dit.
Entre l'ambiance visuelle juste incroyable, l'intrigue captivante et les personnages plus attachants les uns que les autres, vous l’aurez compris, cette lecture fut un véritable coup de cœur pour moi et il était difficile à chaque fois de fermer le livre à la sortie des transports. J’ai hâte de lire la suite et je vous recommande vraiment de le lire plutôt en VO si vous le pouvez. Si vous aimez les cultures mexicaines et la fantasy mythique, ce roman est, selon moi, un incontournable !
Une fantasy captivante