MUMBO JUMBO

 

Ishmaël Reed

 

mumbo jumbo ishmael reed

PaPa LaBas, jeteur de sorts, initié, féticheur, anachorète en rupture de grotte, cueilleur de simple, bicéphale, conjurateur des esprits animaux, rebouteux des âmes, etc. a la cinquantaine mince, agile ; bien qu’il ai bon appétit et nul gout pour les pratiques ascétiques, mortifiantes, flagellants, les joues hâves à la Christ, les émaciations exaltées, non, son humeur est naturellement contemplative, nonchalante, détendue ; tous symptômes que les atonistes ont tendance à confondre avec la paresse d’autant qu’il n’est pas de ces bourreaux de travail, de ces affairés-agités, de ceux qui n’ont de cesse que la vue sur la mer soit condamnée, les coquillages pollués, de ceux qui entre-choquent les particules radioactives, sans se soucier des cancers ou leucémies.

 

 Littérature générale étrangère

 

Littérature afro-américaine     Enquête     Uchronie

Adulte

 

   Née au début du siècle à La Nouvelle Orléans, changeant de nom selon les époques – ragtime, blues, jazz, boogie, soul, funk, hip-hop –, l'âme de la danse et de la musique noire américaine s'incarne ici sous les traits d'un homme nommée PaPa LaBas.

   À la fois sorcier et détective, militant et grand initié, agitateur et héritier des traditions magiques de l'Afrique animiste, PaPa LaBas engage la lutte contre les extrémistes blancs de l'Ordre de la Fleur de muraille et les grands maîtres de la Voie atoniste qui voient dans la musique noire une menace pour la civilisation. Mélange constant de réel et de surréel, entre action et érudition, ainsi d'accumulent les digressions et la rage de vivre.

Critique par Ian B.

 

    Nous sommes au Salon du Livre de Paris qui accueille les USA comme invités d’honneur et je me retrouve à Aix à rencontrer quelques-uns de ces invités. Parmi eux, un géant noir d’un charisme et d’une gentillesse infinie. Ishmael Reed. Nous discutons, il est passionnant. Alors que son séjour se termine, j’en profite pour lui faire dédicacer un de ses ouvrages. Alors que bon nombre croulent sous les livres traduit, lui, n’en a qu’un. Merci beaucoup à cet homme comme il n’en existe que peu, d’une bienveillance et d’une présence rare.

    Avant même de commencer ce livre, un adjectif lui collait à la couverture : carnavalesque. Bon certes, mais à quoi cela fait référence ? Le style littéraire est pourtant passionnant. Très fluide, imagé, fantaisiste, il se démarque par une originalité assumée. Depuis les chiffres qui ne sont pas en lettres, même pour les emplois les plus anodins. Cette originalité est à l’image même du récit et ne peut s’expliquer que via celui-ci : carnavalesque (coloré, original, un chaos apparent dans un défilé à peu près organisé). Nous suivons plusieurs points de vue aussi divers que variés : celui de membre d’une société secrète traditionalistes, des anarchistes, PaPa LaBa un Hougan (sorte de prêtre vaudou), des « malades » infectés par une étrange maladie. Il y a certaines choses assez déroutantes, des références ésotériques et historiques importantes, des références historiques précises. Autant de point qui rendent la lecture parfois difficile sans une certaine ouverture d’esprit et quelques connaissances un peu précises.

    Le fond du récit est pour le moins déstabilisant. Imaginez une épidémie qui frappe les USA dans les années 1920. Cette épidémie force les gens à danser, parfois jusqu’à l’épuisement. Dans une société “ traditionaliste et conformiste ”, ce déchaînement de danse et de folie n’est pas pour plaire. Imaginez donc une épidémie qui n’est rien d’autre que la cristallisation de tous les mouvements de danse et de chant afro-américain. Un chaos qui gangrène le pays et menace la société bien-pensante, gérée par une société occulte. Au milieu de cela, un enquêteur original et réellement déroutant : PaPa LaBa. À travers ce personnage haut en couleur, la culture vaudou s’exprime et, avec elle, une partie de la culture noire américaine. Là encore, le terme de carnavalesque semble approprié. Original par son sujet, chaotique par son approche et disparate par son sujet improbable : un mouvement culturel qui prend vie, un Lwas qui s’éveille dans notre monde et qui change les choses. Car oui, ce livre est une ode aux mouvements culturels noirs. Une lecture un peu laborieuse par moment à cause de cette multitude de références, mais agencée de manière ingénieuse et au final ce n’est pas vraiment un souci. On est pris dans une danse littéraire qui nous mène et nous entraîne toujours plus loin. Un ouvrage donc surprenant et sur lequel, je l’admets, j’ai du mal à rester cohérent. Alors oui on est perdu, on est déstabilisé et il faut accepter beaucoup de choses et avoir une curiosité pour appréhender ce flot d’informations. Mais si l’on cherche un peu entre les mots et les lignes, on trouve un récit aux facettes multiples et disparates, un patchwork culturel savoureux assemblé avec soin.

    Carnavalesque. Ce mot revient souvent durant cette critique, que ce soit dans la forme ou le fond. J’ai beau chercher, je ne trouve pas d’autres termes. Ce livre est un vrai carnaval, disparate, riche en références, chaotique parfois. Mais toujours tourné vers cette culture afro-américaine dont l’auteur se fait le chantre. Mais comment résumer un style aussi surprenant, un récit aussi déroutant, et pourtant un livre si bon et pertinent ? Quel dommage que seul cet ouvrage ai été traduit dans notre langue, car même si je maitrise bien l’anglais, je ne suis pas certain du tout de pouvoir saisir les nuances de la langue original.

note

Epoustouflant & carnavalesque

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