MARCHE OU CRÈVE

 

Stephen King (Richard Bachman)

 

livre

Tout à coup, il lui vint une folle envie de s’arrêter. Rien que pour voir s’ils étaient vraiment sérieux.

 

 Publication à suspense

 

Dystopie     Anticipation     Thriller psychologique

Adulte

 

   Garraty, un adolescent natif du Maine, va concourir pour « La Longue Marche », une compétition qui compte cent participants. Cet événement est très attendu. Il se retransmis à la télévision, suivi par des milliers de personnes.

   Mais ce n’est pas une marche comme les autres, plutôt un jeu sans foi ni loi. Garraty a tout intérêt à gagner. Le contraire pourrait lui coûter cher. Très cher...

Critique par Chloé M. R.

 

      À force d’entendre certains noms d’auteurs revenir, cela rend curieux, et c’est exactement ce qui m’est arrivé avec Stephen King : à force d’entendre des amis, qui ne se connaissaient pas entre eux, me parler de lui et me vanter ses mérites, j’ai fini par être intriguée. Je me suis donc un peu attardée sur sa bibliographie pour le moins étendue et j’ai rapidement éliminé tout ce qui pouvait comporter des références horrifiques – cela ne correspondant pas à mon envie du moment – pour finalement tomber sur ce titre. Il m’a paru suffisamment intéressant pour que je décide de le commander chez mon libraire sans même prendre la peine de chercher à lire son résumé. Quelques jours plus tard, je plongeais dans ma lecture sans plus d’informations.

    Dès les premiers instants, grâce à incipit in medias res, la tension commence à habiter les lecteurs. Plongé dans un univers qu’ils ne connaissent pas, il ne peut que regarder la raideur des personnages, sentir leur angoisse, essayer d’interpréter leurs non-dits ou de comprendre le vocabulaire spécifique qu’ils emploient. Lorsque la réalité se dévoile, la tension ne chute pas pour autant, au contraire même ; elle est entretenue tout au long du roman notamment par des mentions au temps et aux lieux qui passent, au nombre de kilomètres parcourus et de numéros disparus. La focalisation interne, via le personnage de Garraty, contribue à maintenir ce climat d’inquiétude dans un premier temps, ses sentiments redoublant aisément ceux des lecteurs. Néanmoins cette focalisation est à double tranchant, puisqu’en suivant de la sorte le protagoniste principal on est amené à supposer que, sauf retournement de situation majeur, il fera partie des finalistes de « La Longue Marche », amoindrissant quelque peu le suspense du roman. Autre élément à double tranchant, quoi que moins important peut-être : les citations en début de chapitre. Nombre d’entre elles sont issues de jeux télévisés et participent ainsi à une critique en filigrane de ceux-ci et, selon des critères plus actuels, de la télé-réalité (rappelons que le livre a été publié en 1979 aux États-Unis). Si cette critique permet de mettre en perspective le discours du roman sur notre réalité, il faut toutefois noter que la plupart de ces références seront inconnues pour la plupart des lecteurs français, a fortiori pour des lecteurs français nés après 1990.

    Coté récit, le livre devient rapidement addictif, ainsi, à l’image des protagonistes, je n’ai pas pu arrêter ma lecture. L’intrigue est très simple et l'on pourrait même souligner, qu’à part quelques éléments de surprise, elle est très linéaire. La majorité du roman, d’ailleurs, ne tient pas tant à la progression de celle-ci qu’à la découverte des personnages et, à travers eux, à des questionnements plus vastes. Ainsi, l’œuvre dans son ensemble interroge la nature humaine, notamment concernant la place de l’éthique et celle du choix comme caractéristiques essentielles de celle-ci, ou encore l'obsession au delà des limites. Pour ce faire, l'auteur utilise une galerie de personnages très divers, du plus attachant au plus immonde, qu'il fait évoluer au fil des pages, au fil aussi des réflexions du personnage principal, jusqu’à ce que même celui dont l’attitude nous révulsait le plus finisse non pas par devenir sympathique et aimable, mais par devenir compréhensible. Ces évolutions et ces interrogations prennent aussi place dans les dialogues qui, à l’image du roman d’ailleurs, sont plutôt réalistes. Les tournures de phrase, comme le vocabulaire parfois vulgaire, et les thèmes des discussions sont, dans l’ensemble, conformes à ce qu’on pourrait attendre d’adolescents dans leur situation. De même, la narration rapporte fidèlement tous les évènements de cette marche jusque dans ses réalités biologiques, le tout sans fausse pudeur, ni voyeurisme inutile, quelle que soit la scène. Toutefois, et malgré la maîtrise évidente de l’auteur, j’ai eu quelques moments de décrochage liés à la caractérisation de certains personnages qui deviennent, par moment, caricaturaux par leurs excès et, si c’est manifestement voulu, cela crée comme un manque de réalisme qui contraste avec l’ensemble de l’œuvre.

    Malgré les quelques bémols évoqués, j'ai globalement apprécié ma lecture. Toutefois, il me faut reconnaître que j’aurais apprécié avoir plus d’informations sur le système qui a mis en place cette « Longue Marche » et, si je comprends pourquoi l’auteur reste volontairement vague, cela demeure frustrant. Je recommanderais cette lecture à ceux qui cherchent un divertissement qui prend le temps de s’interroger sur des questions d’éthique. Mais vous cherchez un récit haletant à moult péripéties, passez votre chemin, vous seriez déçus, de même si vous êtes en quête de récit d'horreur. En un mot, c’est un roman plutôt intéressant, mais pas forcément transcendant, qui fait ce qu’on attend de lui, mais pas beaucoup plus.

note

Un intéressant divertissement

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