LES LOUPS CHANTANTS

 

Aurélie Wellenstein

 

livre

Ses mains s'enfonçaient dans la fourrure soyeuse des huskies. Elles flattaient leurs épaules puissantes, appréciaient la solidité de leurs reins. Les ​yeux pâles et froids comme le Blizzard se succédaient devant son visage.

 

 Publication générale francophone

 

Merveilleux    Fantasy mythique

Adolescent     Adulte 

 

   Frappée par une maladie rare, la peau de Kira se couvre de glace. Dans quelques jours, la jeune fille sera devenue une statue, prisonnière de son propre corps. Pour la sauver, son frère, Yuri, s'élance avec son attelage de chiens de traîneaux à travers les mille kilomètres de steppes glacées qui les séparent de l'hôpital.

   Mais aussitôt partis, une meute de loups psychiques les prend en chasse. Les prédateurs s'infiltrent dans l'esprit du jeune homme, et la louve de tête lui souffle alors un terrible secret : elle est son ancienne petite amie. Celle qu'il avait crue morte, un an auparavant. Rêve, folie, piège mortel ou réalité ? Tout en se battant pour sauver sa sœur, Yuri va devoir affronter les fantômes de son passé.

Critique par Antonine A.

 

    Je remercie les éditions ScriNeo pour m’avoir permis de découvrir ce livre. Avant de le recevoir, je n’en avais jamais entendu parler, et à la lecture de la quatrième de couverture, je me préparais à aimer le livre : « Rêve, folie, piège mortel ou réalité ? » : cette phrase annonçait un thème que j’apprécie tout particulièrement.

    La première chose que j’ai remarquée dans ce livre est la plume de l’auteur, très agréable à lire. Elle est fluide, parfois poétique, et rend la lecture plaisante. Le style est posé, mais l’on ne s’ennuie pas pour autant. Les descriptions sont en effet toujours intégrées à l’action ; elles posent un cadre pour mieux surprendre le lecteur en accélérant le rythme du récit. Cette force dans la description entraîne un autre aspect marquant de ce livre : son ambiance. Grâce à ces moments où l’auteur prend le temps de décrire la neige, les flocons, les doigts gelés, les combinaisons chaudes, la vue floutée par un rideau blanc et froid, on ressent l’hiver intenable d’un bout à l’autre de l’histoire, de façon de plus en plus marquée au fur et à mesure que les personnages s’éloignent du village, se perdent dans le blizzard. Entre l’hiver chaleureux du village vivant et l’abri de fortune en pleine tempête de neige, la description du froid s’est durcie, et en tant que lecteur on le ressent complètement. Malheureusement, si l’ambiance hivernale est réussie, l’ambiance ambivalente de la folie, qu’auraient dû entraîner les loups chantants, elle, n’est pas totalement au rendez-vous, pour la bonne raison que le lecteur devine rapidement si ces loups sont des alliés ou des ennemis. Dès le début, avant même que l’on sache ce qui les motive, ils ne sont pas plus effrayants que cela dans leur mise en scène : pas plus que des loups "classiques" des romans du Grand Nord.

    Autre souci dans la présentation de l’univers, le monde manque de précision. La plupart du temps, il semblerait que les personnages évoluent soit dans un monde totalement inventé, soit dans un monde plus ancien fait des mythes antiques, d’une magie faite de runes protectrices, de grimoires à formules, etc. Un univers pour rêver, en somme. Or, la grande ville dont l’on parle fréquemment est contemporaine (mais précédée d’un labyrinthe), ancrée dans le monde réel, tout comme les chasse-neige présents au début du livre. Cet entre-deux-réalité est gênante, car l’on ne sait pas quels sont les critères de normalité des personnages : ils ne sont pas assez conscient du monde « réel » qui, lui, est au contraire trop présent pour expliquer son abstraction. Et cela est dommage car, entre les figures doubles que ces loups auraient pu/dû être et les bases de ce monde fait de froid et de rituels, on avait toutes les cartes pour bâtir un univers original, marquant. C’est dans cet univers-là que l’intrigue se déroule. Deux intrigues à vrai dire. La première, principale, servant de moteur à l’histoire, est le sauvetage de la sœur du héros. Le seconde, est un frein à l’intrigue et repose sur les épaules des loups chantants, de notre héros, et de son refus de faire le deuil de sa petite amie. Toutes les deux jouent sur le doute, sur l’essence du fantastique : l’état de Kira est-il dû à une malédiction ou à une maladie ? les appels des loups sont-ils réels ou imaginaires ? Yuri est-il fou ou poursuivit par la réincarnation de son amour perdu ? Deux intrigues plutôt simples finalement, mais qui reposent sur des ressorts efficaces… à première vue. Malheureusement, les réponses sont données trop tôt, faisant basculer l’intrigue trop rapidement du côté du réel et de la science, ou du merveilleux et de la folie. La résolution finale tombe alors à plat, et le chemin parcouru, s’il reste divertissant, perd en tension et en force, dommage. Tout cela est porté par trois personnages, quasiment seuls face à la nature d’un bout à l’autre du récit : Yuri, le garçon retenu par son passé, qui ne peut aller de l’avant, Kira, la petite sœur rompue aux arts des runes, forte malgré sa faiblesse, porteuse des valeurs ancestrales, et la meilleure amie, Anastasia, revenant de la ville, clairement amoureuse de Yuri, représentant le futur, les nouvelles possibilités, l’espoir pour Yuri, mais aussi l’évolution d’un monde qui a oublié le passé pour se tourner vers les nouvelles technologies. Un trio qui fonctionne très bien et que l’on se plaît à suivre, malgré quelques maladresses. En dehors de certains clichés dans les comportements des personnages, que l’on pardonne parce que cela est efficace, il y a un problème avec le « quatrième personnage », absent en réalité mais toujours planant en tant qu’ombre, à travers les loups chantants : Asya, l’ancien amour de Yuri. Quand le roman débute, Asya est morte, et Yuri déprime. Dans les rares flashbacks présents dans le livre, Asya veut quitter Yuri car elle aspire à une liberté équivalente à un suicide : la liberté du froid sauvage. Elle paraît vivante, certes, mais égoïste. Il est difficile de l’aimer, encore moins lorsque les loups chantants empruntent sa voix, et l’apitoiement de Yuri, sa déprime qui tire en longueur devient difficile à cautionner : elle fatigue, lasse, donne envie que ce gamin en finisse avec son caprice qui l’empêche d’ouvrir les yeux sur le monde qui l’entoure. C’est d’autant plus vexant que les loups prennent voix avec des discours… tellement peu subtils que l’on doute grandement qu’ils puissent envoûter qui que ce soit. Or, comme je le disais repose à moitié sur l’ambivalence de ces bêtes. Un pan un peu trop bancal pour le coup.

    Finalement, j’ai un avis très mitigé sur ce livre. Il avait tout pour réussir : une voix, une ambiance, un élément fantastique doublé au thème de la folie, un univers riche, des personnages aux dynamiques intéressantes… mais rien ne fonctionne totalement, faute d’être porté jusqu’au bout. Avec une richesse pareille, je m’attendais à une épopée intense, prenante, elle a tout juste été divertissante. Une grosse déception pour moi donc, mais sûrement due à mes grandes attentes pour ce titre. Sans ces attentes, qui sait, la lecture des Loups Chantants pourrait être une très bonne aventure pour qui aime les grands espaces, les mythes ancestraux, les loups et les chevauchées désespérées.

note

désappointant

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