ALICE AU PAYS DES MERVEILLES
&
DE L'AUTRE CÔTÉ DU MIROIR

 

Lewis Carroll

 

livre

Eh bien ! J’ai souvent vu un chat sans sourire, songea Alice, mais un sourire sans chat ! C’est la chose la plus curieuse que j’ai rencontrée de ma vie !

 

Littérature générale étrangère

 

Conte satirique  Merveilleux

Tout public

 

Alice au pays des Merveilles :

Tandis qu'elle s'ennuie sur la berge d'un fleuve, Alice voit tout à coup passer un lapin blanc, ce qui n'a rien d'exceptionnel, mais, chose plus surprenante, elle le voit également tirer une montre de la poche de son gilet. Intriguée, la voilà qui se lance à sa poursuite. Le lapin disparaît dans un grand terrier : elle décide d'y descendre à son tour. Elle bascule alors dans un monde extraordinaire et magique.

Au cours de cet étrange voyage, elle rencontre des Homards qui dansent, un Chat qui apparaît pour s'évanouir, une Chenille qui fume, ou encore une Reine de Cœur qui veut couper la tête de tout le monde.

De l'autre côté du miroir :

Et si Alice entrait dans la maison du Miroir, cette fois-ci ? A peine en a-t-elle l'idée que la glace se brouille et que la jeune fille plonge dedans. Reine Rouge et Reine Blanche, Gros Coco, Blanc Bonnet et Bonnet Blanc... La voila devenu pion d'une partie d'échec.

Critique par Maud G.

 

    Les aventures d'Alice ont été écrites pour la jeune Alice Liddell, fille de dix ans d'un des amis de l'auteur, pour qui l'auteur avait une affection trouble et qui lui a inspirer personnages et histoires. Il faut savoir que la première version de ce conte n'était pas destiné aux enfants et a donc subit une réécriture dans un but de publication en librairie.

    Avec un style fluide, simple et léger, limite trop enfantin au première abord, l'auteur crée en réalité un conte critique des convenances de l'époque victorienne et exutoire de son refus pour le conformisme qui se ressent chez ses personnages "fous". L'écriture est mise au service de jeux de mots plus ou moins alambiqués, devinettes et chansons hérités des célèbres comptines anglaises, et se démarque par sa vision omniprésente du voyage onirique, de l'absurde et du non-sens. Bien que toujours en harmonie, le rythme et la dynamique sont relativement plats et donneraient presque un ton trop sérieux, renforçant le coté psychédélique du récit. Le vocabulaire est riche et participe grandement à la dimension cauchemardesque du l'histoire et son ambiguïté. La mise en page des dialogues est assez typique de l'époque : ceux-ci sont placés dans la continuité de la narration, ce qui risque de déstabiliser les lecteurs.

    L'intrigue, très simple, contraste avec le nombre important de rebondissements et de situations toujours plus absurdes les unes que les autres. Le personnage très curieux et extrêmement bavard d'Alice est souvent perçu comme niais et agaçant, mais il faut y voir l'image même de l'enfant imaginatif, toujours avide de savoir, et de l'enfant façonné par la bienséance d'un monde adulte qui lui échappe totalement. Plus largement, Alice aux pays des merveilles est le récit d'une quête identitaire, mais également de la rupture avec l'enfance. De la même manière, chaque personnage est un clin d’œil à la culture britannique, notamment emprunté des "nursery rhymes" ou à l'entourage de l'auteur - lui-même apparaissant sous les traits du Dodo. L'une des caractéristiques déstabilisantes de l'histoire est la rareté des descriptions : lieux et personnages nous semblent flous, si bien que les frontières elles-mêmes semblent chamboulées. Dans De l'autre côté du miroir, l'aventure d'Alice est rythmée comme une véritable partie d’échec - celle-ci étant la toile de fond de l'intrigue. Mais la rupture avec l'enfance n'est plus dans la ligne directive du récit ; le rêve est ici clairement annoncé. À noter, Les Aventures d'Alice est une véritable critique de la société Victorienne et avec elle, de toute l'absurdité de certaines règles de bienséance et mœurs. Aussi le côté burlesque tente d'alléger la violence de certaines scènes et/ou propos de quelques personnages.

    Le livre est parsemé d'illustrations originales de John Tenniel, en noir et blanc. Si le tracé est simple, les détails ne sont pas négligés et illustrent parfaitement les différents scènes du livre. Ce sont aussi les seuls vrais informations que le lecteur possède sur les descriptions de lieux et de personnages. Mise à part Alice, tous sont plus ou moins caricaturés pour permettre aux lecteurs de bien déceler en eux le réel et l’irréel. Ce sont clairement des illustrations qui ne reprennent pas des codes pour l'enfance, car si le livre se veut publier pour ce jeune public, il vise en particulier les adultes.

    Plus qu'un conte, Les Aventures d'Alice est un livre profond et philosophique qui ravira les esprits rêveurs. Un classique incontournable qui peut-être difficile à lire, tant le côté absurde est poussé, mais qu'il faut avoir lu au moins une fois dans sa vie.

note

une folie Victorienne

Critique par Benjamin R.

 

    Qui n’a jamais entendu parler du Chapelier fou, du Lapin blanc ou du Chat du Cheshire ? Au même titre que Quasimodo, Cthulhu ou Aragorn, ils font partie de ces figures mythiques de la Littérature qui ont marqué l’imaginaire collectif.

    Stylistiquement parlant, la première chose frappante est la quasi-absence de descriptions. Hormis quelques signes distinctifs, l’apparence des personnages reste floue dans le texte - d’ailleurs, il n’est signalé à aucun moment qu’Alice est blonde ! Cependant, il est accompagné d’illustrations qui sont inséparables du récit tant elles participent à l’atmosphère et permettent de mieux visualiser certains éléments, comme la Fausse Tortue. De nombreux illustrateurs se sont prêtés au jeu, mais à mon sens, ce sont celles de John Tenniel, l'illustrateur original, qui sont les plus fascinantes. On notera aussi la présence de nombreuses parenthèses et d’apostrophes à l’encontre du lecteur qui peuvent être déroutantes de prime abord, mais s’intègrent finalement bien au récit. Mis à part cela, le ton reste constamment léger et enfantin comme si toutes les situations qu’Alice vivait étaient normales. Pourtant, à y regarder de plus près, certaines scènes ont quelque chose de dérangeant, comme le moment où la duchesse lance son bébé pour le border - Alice l’emmène d’ailleurs avec elle de peur qu’il ne se fasse tuer - ou encore dans la façon que le lièvre de Mars et le Chapelier Fou ont de martyriser leur « ami » le Loir. Cette ambiguïté a largement contribué au succès d’Alice au Pays des Merveilles qui est parfois vu comme un univers féérique ou cauchemardesque selon l’imagination du lecteur et son propre ressenti.

    Le premier conte est une sorte de quête identitaire où Alice tente de se souvenir de qui elle est, tandis que le second est une course pour devenir reine à son tour et gagner une partie d’échecs. Mais ces fils conducteurs restent essentiellement des excuses pour la mise en place de situations toutes plus loufoques les unes que les autres. Alice va ainsi se retrouver confrontée à des personnages butés bien souvent persuadés d'avoir raison en dépit du bon sens, mais répétant constamment les mêmes absurdités avec une absolue certitude. Pourtant la petite fille se montrera toujours attentive et curieuse, prête à aider les habitants du Pays des Merveilles lorsqu’elle le peut. Elle est en quelque sorte le lien entre le rêve et la réalité, concilie nos propres règles dans un univers qui marche à l’envers, essaie d’ouvrir les yeux à ces personnages qui s’enferment dans leur certitude (sans jamais y parvenir). Si les deux contes peuvent être pris au premier degré et s’avérer tout à fait plaisants, ce sont leurs différents niveaux de lecture qui en font une œuvre atypique qui a su conquérir petits et grands. Car au-delà de la simple aventure, on se rend rapidement compte qu’Alice rêve ou imagine le Pays des Merveilles, qu’il n’est qu’une représentation de son esprit et cache tout un pan de la culture de l’époque qui ne nous est plus si familier. Les parodies de poèmes, les jeux de mots et même les personnages sont un reflet de la société britannique du XIXème, portrait pas toujours reluisant lorsque l'on voit la reine de cœur capricieuse ou l'égoïste Chapelier Fou. C'est aussi le symbole de la fracture entre le monde des adultes régi par ses règles rigides dont on a oublié l'intérêt et le monde des enfants qui s'émerveille de tout et de rien, qui posent souvent les questions auxquelles on ne connaît jamais la réponse.

    Alice est cette enfant qui tend la main à tous les adultes trop sérieux. Elle tente en vain de les raisonner, les écoute, les console. Et finalement, outre le talent de Lewis Caroll pour raconter des histoires, décrire des situations absurdes à la fois naïves et dérangeantes, c'est surtout le fait qu'il ait réussi à capturer l'enfance dans des bouquins qui fait qu'Alice au Pays des Merveilles est une œuvre qui a traversé les siècles et qui aujourd'hui encore, parle à nos cœurs d'enfants.

note

délicieusement absurde

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