À MA VIE, À TA MORT

 

Sandra Triname

 

a ma vie a ta mort sandra triname

Tu n’as pas peur de lui, ni de Perséphone. Elle n’est qu’une demi-déesse, oui, tu vois, je connais ton histoire, elle ne fait pas le poids contre l’aîné des fils du roi des Titans.

 

Publication de l'imaginaire

 

Fantastique     Enquête

Adulte

 

   Recouvert de symboles grecs faisant référence à Hadès, un corps mutilé et désormais inidentifiable, est retrouvé dans une cave à New York. Jeune flic fraichement sorti de l’école de police, Mike Sullivan se retrouve chargé de cette affaire qui le mènera jusqu’au pied du World Trade Center, ce terrible jour du 11 septembre 2001.

   Une fois son bras vengeur lancé et bien que la Faucheuse soit belle à couper le souffle, rien ne peut la stopper.

   Instrument du Destin ou de la Mort elle-même, il devra résoudre cette affaire en empruntant des sentiers dont personne ne revient jamais.

Critique par Maud G.

 

    À ma vie, à ta mort est un roman que j’avais acquis à l’occasion d’un Salon du Livre de Paris sur le stand de Plume Blanche éditions. Ne connaissant pas le travail de l’auteur, je dois bien avouer que je ne savais pas à quoi m’attendre. Aussi, entre le résumé qui laissait miroiter un thriller fantastique sur fond de références mythologiques et les premières phrases du prologue qui m’avait plutôt interpellée, je m’étais finalement laissée convaincre par la superbe illustration de couverture. Pourtant, qui ne connaît pas ce vieil adage disant “ Il ne faut jamais juger un livre à sa couverture ” ?

    Le roman est construit autour d’un prologue et de trois parties devant marquer chacune un tournant dans la progression du récit. En réalité, on réalise rapidement que passé le cap des dix premières pages s’ensuivent trois cent quarante-cinq interminables autres. On débute sur un prologue au style d’écriture plutôt bon, avec un rythme mesuré et une dynamique très intéressante pour donner de la tension au texte, notamment à travers l’emploi ingénieux de la répétition de style par anaphore en chaque début d’ensemble, le tout abordé en focalisation interne à travers un narrateur-personnage afin de retranscrire la puissance de son ressenti. Dix pages, pas une de plus, avant de basculer dans une narration omnisciente bancale à l’écriture maladroite, au rythme totalement absent et à la dynamique figée, où s’accumule répétitions, fautes de syntaxe, de grammaire, de conjugaison, ou encore de ponctuation donnant lieu au mieux à des contresens, au pire à des phrases incomplètes. Je ne compte plus le nombre de verbes transitifs laissés sans complément d’objet. Le gouffre stylistique qui s’est creusé entre le prologue et tout le reste du roman interpelle et pose la question de l’harmonisation du travail éditorial avec celui de l’auteur. Pour faire simple, les phrases sont plates, sans aucun caractère, sans une once de tension dramatique. Après tout cela, les diverses coquilles orthographiques seraient presque un détail. La proportion de dialogues est relativement correcte, avec une bonne répartition à travers le livre. Cependant, certaines prises de paroles manquent cruellement de crédibilité - notamment quand des dieux plurimillénaires s’expriment maladroitement et sans la prestance attendue -, quand d’autres n’apporte pas grand-chose au récit, sinon de meubler des scènes où il ne se passe rien d’utile à l’avancée de l’intrigue et n’apportent rien qui permettent aux personnages de se démarquer les uns des autres. Le vocabulaire utilisé est relativement commun, mais peine clairement à se diversifier en accord avec l’époque et les personnages, accumulant les répétitions, si bien que l’on finit par tomber sur des phrases sortie de nulle part et posant la question de la pertinence des choix synonymiques.

    Le livre débute sur la lente et terrible souffrance d’une jeune femme torturée durant plusieurs jours ; un début d’une grande tension, autant par les détails et la dureté de ce que lui est infligé physiquement que par la descente aux enfers psychologiques dans laquelle elle se retrouve embarquée. Les lecteurs les plus sensibles pourront être tentés de passer ces dix pages – celles-ci n’ayant pas d’incidence sur la suite de la lecture – mais ils se priveraient de la seule partie du livre ayant un peu d’intérêt. La première partie du roman se concentre autour de la découverte du corps et l’enquête de police qui s’ensuit. La deuxième partie (et non seconde) nous tire du côté fantastique du récit et nous propulse cinq ans plus tard, dans l’univers des faucheuses au service de la Mort et celui des Dieux Grecs, pour nous apporter des éléments secondaires censés répondre à cette enquête et donner une ouverture pour la relancer dans la troisième et dernière partie. Le souci est que la scénographie – de l’idée jusqu’à sa réalisation – est terriblement pauvre et répétitive, accumule des scènes inutiles et des énièmes redites qui ne font que remplir le vide d’une intrigue pas assez étayée. Le récit ne semble pas avoir été pensé pour être une vraie enquête, si bien que l’on ne trouve pas d’élément concret et cohérent pour la rendre réellement exploitable. On a plutôt l’impression que l’auteur voulait miser sur un récit fantastique et que l’enquête sert de prétexte pour en développer l’intrigue. Aussi, les deux parties ne parviennent pas à se faire échos pour fonctionner ensemble. L’enquête policière ne repose sur aucun vrai travail de recherche de preuves et de modus operandi, l’auteur ne se concentrant pas sur les éléments qui permettraient de résoudre le meurtre. De ce fait, Le roman enchaîne les erreurs de constructions scénaristiques, si bien que l’auteur tourne sans cesse en rond sans atteindre aucune destination. On en vient à retrouver, autour des trois cents pages, des éléments d’exposition déjà rencontré tout au long livre ou encore de révélations d’enquête évidentes qui surgissent tardivement pour prétexter l’avancer de l’intrigue. Tous ces éléments mettent en avant les défauts de recherches et de construction du récit. Les personnages sont tous terriblement creux. L’auteur n’explore, à aucun moment, leur intériorité et les caractérise superficiellement, ne nous donnant que des représentations de façade peu subtiles. À ce stade, on peut tout simplement parler de clichés : le vieux flic solitaire désabusé, le petit jeune plein de rêves de justice qui sort à peine de l’école de police, la romance poussive, etc. Par ce manque de développement, les personnages n’apparaissent pas fidèles à eux-mêmes, tant par leurs attitudes, leurs propos et leur évolution. Au point que le choix final de l’un des personnages principaux va à l’encontre du message de justice et de paix insufflé par la dédicace du livre et la caractérisation dudit personnage. Côté références, la volonté de construire le récit autour de la mythologie grecque aurait pu s’inscrire dans une tradition de réécriture intéressante si l’auteur s’était réellement investit dans des recherches sur le sujet et ainsi éviter des erreurs effarantes et des amalgames qui déservent la base fantastique du roman. Pourquoi associer la Mort à Nyx, la déesse de la Nuit, au lieu de Thanatos qui, lui, est le dieu de la Mort ? Pourquoi des faucheuses, alors qu’elles renvoient à l’Ankou du folklore breton dans son rôle de serviteur de la Mort ? Mais surtout, pourquoi la mythologie grecque à New York ? L’auteur ne développe rien de concret et de nouveau autour de ses choix. Elle ne problématise pas les représentations et enjeux spirituels chrétiens dominant aux États Unis et ceux hérités de l'hellénisme, aboutissant alors à des confrontations et juxtapositions qui ne trouvent pas de résolution dans le récit et posent le souci de légitimité par rapport au contexte et aux personnages.

    À ma vie, à ta mort est un roman dont la longueur ne se justifie pas. Tout, de l’écriture à l’histoire – et ce qui la compose – manque d’intérêt et de finalité. Personnellement, les personnages m’ont paru, au mieux inintéressants et au pire détestable, de par leurs propos, réactions et convictions sans cesse contradictoires. À quel moment, est-ce cool de lancer son mégot dans les Champs Élysées-– même si le terme n’a jamais été mentionné – après en avoir glorifié le jardin pour sa beauté ? Bref, la plus grande souffrance de ce livre est que ses défauts auraient dû être pondéré par un travail éditorial, malheureusement insuffisant.

note

juste une belle couverture

Imprimer